El-Lugat ul-Neva’iye — Dictionarie Turk-Oriental. Pavet de Courteille.

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Dictionnaire Turk-Oriental destiné principalement à faciliter la lecture des ouvrages de Bâber, d’Aboul-Gâzi et Mir-Ali-Chir-Nevâï
M. Pavet de Courteille | Imprimerie Impériale, Paris. | 1870 | XIX, 562 pages | Language: French -Turkic (Turki)

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033Pavet de Courteille (spr. pawä dö kūrtäj’), Abel Jean Baptiste, franz. Orientalist, geb. 23. Juni 1821 in Paris, gest. daselbst 13. Dez. 1889, widmete sich in Versailles und Paris dem Studium der orientalischen Sprachen, wurde 1854 außerordentlicher und 1861 ordentlicher Professor des Türkischen am Collège de France. Außer seinem Hauptwerk, dem »Dictionnaire turc-oriental« (Par. 1870), sind von seinen Schriften zu nennen: »Conseils de Nabi Efendi à son fils Aboul Khair« (türk. Text mit franz. Übersetzung, 1857); »Mirâdj-nâmeh« (uigur. Text und Übersetzung, 1882); »Tezkerch-i-evliâ. Le mémorial des saints« (Übersetzung des uigur. Textes, 1889) u.a. Mit Barbier de Meynard gab er die drei ersten Bände der »Prairies d’or« des Mas’udi (s. d.), mit Ubicini »Etat présent de l’empire ottoman« (1876) heraus.

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Dictionnaire Turk-Oriental destiné principalement à faciliter la lecture des ouvrages de Bâber, d’Aboul-Gâzi et Mir-Ali-Chir-Nevâï par M. Pavet de Courteille, professeur au Collège de France, Paris, imprimé par l’ordre de l’empereur, A l’Imprimerie impériale, 1870
XIX, 562 pages

Préface

Si l’on jette les yeux sur une carte de l’Asie centrale, on peut se convaincre facilement, par les noms des montagnes, des fleuves, des lacs, des déserts, des peuplades, de l’immense étendue de pays qu’occupent la langue turke et ses nombreux dialectes. Quoiqu’il soit encore prématuré, dans l’état actuel de la science, d’entreprendre une classification régulière et rigoureuse des langues touraniennes, il n’en est pas moins vrai que nous possédons sur plusieurs d’entre elles d’estimables travaux, dus en grande partie au zèle et à l’activité des savants russes et allemands. Pour ne parler que de la Sibérie, nous citerons en première ligne le grand et beau travail de Böhtlingk sur la langue des Jakouts (Ueber die Sprache der Jakuten, Saint-Petersburg, 1851). De tous les dialectes de la Sibérie, c’est celui qui se rattache de plus près à la langue turke proprement dite, tout en renfermant un nombre considérable de mots mongols. Toutefois, il ne peut venir à l’idée de personne d’affirmer comme Erman (Einleitung, p. 43) qu’un Jakout né sur les bords de la Lena s’entendrait facilement avec un habitant de Constantinople. Une aussi étrange allégation n’a pas même besoin d’être réfutée. Vient ensuite le travail d’Alexander Castren sur la langue des Tongouses (Grundzüge einer tungusischen Sprachlehre, Saint-Petersburg, 1856). Ce dialecte ne se rattache à la langue turke que par la syntaxe, la partie étymologique dérivant presque tout entière du mandchou et du mongol. La même remarque s’applique à la langue des Karagass et des Koïbals qui habitent le long du haut Jenisseï vers Krasnoiarsk, langue qui se rapproche beaucoup de celle des Jakouts et n’en diffère souvent que par des nuances plus ou moins sensibles dans la prononciation. Les mots mongols y abondent, même pour exprimer les idées les plus communes, mais ils sont pris quelquefois dans un autre sens que celui qu’ils ont dans leur pays natal. (Castren, Versuch einer koibalischen und karagassischen Sprachlehre, Saint-Petersburg, 1857) C’est encore à Castren que nous devons des recherches sur les dialectes des Bouriats, au delà du Baïkal, tous plus ou moins rapprochés du Mongol (Versuch einer burjätischen Sprachlehre, Saint-Petersburg, 1857), et sur ceux des Ostiaks et des Woguls (Versuch einer ostjakuchen Sprachlehre, Saint-Petersburg, 1858). Ceux qui se rapprochent beaucoup du hongrois sont parlés le long de l’Irtich et sur l’Obi; le sourgdat sur le haut Obi et l’obdor sur le bas Obi.

A ces travaux, qui ne concernent que la grammaire et la lexicographie, il faut ajouter la grande publication du docteur Radloff sur les chants des peuplades turkes du sud de la Sibérie (Proben der Volkslitteratur der türkischen Stämme Süd-Sibiriens, Saint-Petersburg, 1866). Quoique ces chants soient remplis en partie de souvenirs boudhiques introduits par l’influence mongole, il ne serait pas moins précieux pour nous d’en posséder le texte original. Le savant traducteur, qui n’en a donné jusquà présent qu’une version russe et une version allemande, prépare un dictionnaire et une grammaire qui offriront le plus grand intérêt.

Quoique le kalmouk ne soit presque composé que de mots mongols, comme il se rattache, par sa syntaxe, au groupe des idiomes tatares, je ne puis passer ici sous silence l’excellent travail du savant M. Julg, qui a publié un texte original de cette langue, accompagné d’une traduction allemande et d’un vocabulaire (Die Mährchen des Siddi-Kûr, kalmükischer Text mit deutscher Uebersetzung, Leipzig, 1866). Ce livre, ainsi que celui de Bergmann (Nomadische Streifereien unter den Kalmüken in den Jahren 1809 und 1803), doit attirer l’attention de tous ceux qu’intéressent les études relatives aux langues et aux populations de l’Asie centrale.

Tandis que ces dialectes à demi sauvages, parlés par des peuplades barbares et ne possédant que peu ou pas du tout de monuments littéraires connus, avaient le privilège de solliciter l’attention de quelques savants, la vraie langue turke, le type pur et primitif de cet idiome que les Osmanlis modernes ont laissé écraser sous l’invasion toujours croissante des mots arabes et persans restait oubliée et dédaignée, au moins dans l’Europe occidentale. L’intérêt immense qu’offre l’étude de l’arabe, le préjugé funeste, mais dû surtout aux écarts des écrivains ottomans qui semblent faire fi de la langue de leurs pères, préjuge en vertu duquel un livre turk bien écrit ne doit être qu’un pastiche où tout est arabe et persan, sauf quelques mots indispensables et la construction, le manque d’originalité de ces livres qui ne sont que des traductions ou des imitations, la rareté des textes turks-orientaux, la disette de dictionnaires, tout a contribué à ce résultat. Quand je parle de la rareté des textes imprimés, je veux dire la difficulté de se les procurer. En effet, on n’a qu’à parcourir le catalogue des livres imprimés à Kasan dressé par M. B. Dorn sous ce titre : Chronologisches Verzeichniss der seit den Jahren 1801 bis 1866 im Kasan gedruckten arabischen, türkischen, talarischen und persischen Werke, etc., pour se convaincre que les presses ne sont pas restées oisives. Quoi qu’il en soit, le mal existait et j’ai cru de mon devoir, à cause même de l’enseignement qui m’est confié au Collège de France, de travailler à le réparer. Évidemment la première chose à faire était de publier un dictionnaire qui renfermât le plus possible de citations à l’appui du sens attribué à chaque mot. C’est assez dire que cet ouvrage n’a pas la prétention d’offrir un répertoire général de la langue turke, entreprise immense et même prématurée, mais seulement un instrument utile, quoique bien imparfait, pour ceux qui voudront étudier la véritable littérature turke, celle qui est originaire des pays situés au delà de la mer Caspienne. J’avoue que la difficulté de l’entreprise m’a d’abord fait hésiter : je n’osais trop m’engager sur un terrain si glissant et où je n’avais guère de secours à espérer de personne. L’estimable travail de M. Zenker commençait à peine à voir le jour et celui de M. Vambéry n’avait pas paru. Toutefois, ayant en ma possession des matériaux précieux, je me suis décidé à les coordonner et à les publier, afin de mettre à la disposition des personnes studieuses des renseignements dont elles pourraient profiter. L’aperçu sommaire qui va suivre éclairera suffisamment le lecteur sur la valeur des éléments dont se compose ce travail.

Je citerai en première ligne le précieux lexique turk-persan intitulé Khoulâceh-i-Abbdci, composé, d’après l’ordre de Châh-Abbâs-Kadjar, par Mohammed-Khouveï sur le fameux Senguilâkh de Mirza-Mehdi-Khan, dont il n’est que l’abrégé. Mohammed-Khouveî a soin de prévenir qu’il a conservé absolument tous les mots de l’original dont il n’a retranché que les formes dérivées, lesquelles se déduisent tout naturellement de la racine, et les exemples, ce qui est très regrettable. L’explication toute sèche d’un mot turk par un mot persan, lequel peut avoir plusieurs sens, m’a souvent laissé dans des doutes qu’un seul exemple aurait levés immédiatement. Le livre commence par une préface où sont exposés rapidement les principes de la langue turke. L’auteur remarque avec raison que, dans les mots où il y a un [caractère arabe], la prononciation est assez difficile à fixer, les Euzbegs et les peuplades du Mâ-Veran-Nahâr articulant avec un [caractère arabe] ce que les Turkomans et les gens du Khârism articulent avec un [caractère arabe]. Il ne fait pas une observation moins bien fondée lorsqu’il dit que souvent il est indifférent de mettre un [caractère arabe] ou un [caractère arabe], tandis que dans d’autres cas il faut bien se garder de les confondre, comme dans [caractère arabe], qui signifie rassembler, et qui signifie détruire. Quant à l’emploi du [caractère arabe] pour le [caractère arabe], comme dans [caractère arabe] pour [caractère arabe] , il s’explique facilement par l’identité de prononciation dans la bouche des Turks de ces deux lettres arabes qui représentent le K tatare). Le Senguilâkh, dont le Khoulaceh-i-Abbâci est à peine la dixième partie et n’a que le volume d’un grain qui lient dans la main […], est un livre d’une rareté insigne et dont il m’a été impossible de me procurer un exemplaire. J’ignore quand il a été composé, mais ce ne peut être qu’après la mort de Mir-Ali-Chir-Nevàï (1500 de notre ère), puisqu’il a été fait pour faciliter la lecture de ses oeuvres. Quant à l’abrégé que j’ai inséré tout entier dans mon travail, j’en ai eu a ma disposition deux manuscrits : l’un, qui appartient à la Bibliothèque impériale, est assez fautif et offre des lacunes; l’autre, beaucoup meilleur sous tous les rapports, m’a été envoyé de Perse par mon ami M. Amédée Querry, consul de France à Tebriz.

Le Nâciri est un dictionnaire turk expliqué en persan et renfermant la substance des meilleurs ouvrages de ce genre. Composé par Mirza-Kouli, surnomme Hidaiet, et dédié au roi de Perse Nasr-ed-din-Chah, il est précédé dune préface de cinquante-huit pages où sont expliqués en grand détail les principes de la grammaire turke. Je suis assez porté à croire que cet ouvrage n’est qu’une reproduction du Senguilâkh, auquel il a emprunté l’inutile addition de la conjugaison de chaque racine, ce que le Khoulâceh-i-Abbâci a eu la sagesse de ne pas faire, mais dont il a également rejeté les exemples. Les feuilles que j’ai à ma disposition et que m’a communiquées mon savant collègue et ami M. Barbier de Meynard, auquel je dois également la connaissance de quelques passages tirés d’un manuscrit persan appartenant à la Bibliothèque impériale, ne comprennent malheureusement qu’un fragment allant jusqu’au mot —-. Elles ont été lithographiées à Tebriz, si je ne me trompe, il y a une quinzaine d’années, et j’ignore si le travail a été poursuivi.

Un travail d’une grande valeur pour la lexicographie turke-orientale, c’est le dictionnaire connu sous le nom d’Abouchka et qui est spécialement destiné à faciliter l’intelligence des oeuvres de Nevâï. L’auteur, qui m’est inconnu, ne se contente pas d’expliquer les mots en turk-osmanli; il cite à l’appui des exemples soit en prose, soit en vers empruntés pour la plupart à Nevâï ou bien à d’autres écrivains célèbres, tels que Lutfi, Bâber-Mirza, Obeïd-Khan, Sultan-Husseïn, Mir-Haïder, etc., ce qui est pour nous d’un prix inestimable. M. Vambéry, dans l’édition de l’Abouchka qu’il a donnée à Pesth en 1862, a cru devoir mettre de côté les exemples en se contentant d’accompagner les mots turks d’une traduction hongroise. De son côté, M. de Véliaminof-Zernof vient de publier une édition très-soignée du texte complet sous ce titre : Dictionnaire Djaghataï turc, publié par V. de Véliaminof-Zernof, Saint-Pétersbourg, 1869, le tout précédé d’une savante préface. Avant l’apparition de ce travail, qui m’a été très-utile pour la révision des épreuves, j’avais fondu dans mon dictionnaire tout l’Abouchka en accompagnant chaque exemple de la traduction française, quelque difficulté que j’éprouvasse à saisir le sens d’un si grand nombre de vers isolés. Mais il y avait, suivant moi, un grand intérêt pour le lecteur à ne rien perdre de ces citations qui, au besoin, lui mettent sous les yeux une véritable chrestomathie turke orientale. C’est le même motif qui m’a décide à insérer ci-dessous le texte et la traduction d’une pièce de vers qui se trouve en tète du livre. Je suis l’édition de M. de Véliaminof-Zernof, en y introduisant quelques corrections que me fournissent mes manuscrits, dont un m’a été gracieusement communiqué par M. Vambéry lui-même.

[Texte en caractères arabes]

Cent louanges à celui dont la langue est impuissante à décrire les attributs, quoiqu’elle reçoive de lui la faculté de la parole ! Dût-on réunir en un concert toutes les langues que parlent les hommes, le louer dignement serait toujours chose impossible. Et ce roi des prophètes, dont la personne est le rayon lumineux (lui conduit tous les hommes, à l’intercession duquel ont recours le roi et le mendiant, si quelqu’un veut faire allusion a son nom et a ses qualités, dis-lui : Invoque la bénédiction de Dieu sur le Prophète, et abandonnez-vous à sa direction.

Pourquoi ce livre a été composé, et d’où vient que cette allocution a été écrite.
Lorsque l’action de la voûte tournante eut fait prendre à mon esprit le chemin de mon corps, je tombai tout éperdu au milieu de ce monde. Là chacun, comme frappé de vertige, s’efforce et travaille de tout son pouvoir, cherchant à se procurer les moyens de vivre. À cette vue, je résolus de me retirer dans un coin, sans compagnon, sans confident, dérobant à tous les autres mes yeux et mes oreilles, rentrant mes pieds sous le pan de ma robe, tandis que mon écriture fatiguait ma plume et que ma plume couvrait le papier d’ornements. Du fond de ma retraite, que personne ne partageait avec moi, mon occupation était d’écrire les événements de ma vie. J’avais pour compagnons assidus les oeuvres des hommes d’élite, oeuvres dans lesquelles se reflètent fidèlement leurs belles âmes. Ainsi je parcourais grand nombre de parterres et de jardins, je me promenais au milieu des plates-bandes odorantes, je respirais le parfum des fleurs embaumées, considérant d’un oeil attentif les roses et les jacinthes, lorsque mes pas m’ont conduit vers un jardin dont je me suis mis à contempler les merveilles. Ses roses avaient un éclat et un parfum tout particuliers; ses rossignols faisaient entendre des mélodies inconnues; ses cyprès s’élançaient majestueux dans les airs; ses palmiers, aux fruits savoureux, charmaient par leur beauté; sa verdure resplendissait de fraîcheur et de vie; ses tulipes marquées d’un fer rouge semblaient ravies en extase. A cette vue l’oiseau de mon âme s’éprit de ses roses comme le rossignol, mon coeur s’enveloppa dans les replis de ses jacinthes. je devins l’humble esclave de ses fiers cyprès, je baissai la tète devant ses timides violettes. Ses tulipes imprimèrent sur mon âme une brûlure qui la rendit insensible aux beautés des autres jardins. De son sol s’exhalait une odeur de musc de Tartarie : c’était le jardin de Mir-Ali-Chir. Je m’y suis promené sans jamais connaître la fatigue, j’en ai visité tous les coins. Alors mon coeur s’est trouvé possédé du désir de recueillir toutes les expressions qu’on rencontre dans les oeuvres de ce grand maître. Je me suis prosterné a ses pieds et je lui ai présenté mes hommages. Tout ce qu’il a admis comme légitime a trouvé droit de cité dans ce recueil. Jespère que les hommes de mérite et de talent embelliront ce travail par leurs corrections, de manière à ce que moi, artisan imparfait et sujet aux faux pas, moi, qui suis à Mir-Ali-chir ce que le sieh-gouch est au lion dont il recueille les restes, je sois a tout jamais célèbre parmi les hommes, alors même que la poussière de mon corps aura été balayée par le vent.

Il existe à Constantinople une autre rédaction de l’Abouchka qui paraît n’être qu’un abrégé de la première, autant que j’en puis juger par un spécimen que m’a envoyé mon savant maître et ami Chinaci-efendi. A la pièce de vers citée plus haut est substituée une préface qui commence ainsi :

[texte en caractères arabes]

Le joyeux buveur du cabaret de l’amour et de la passion, le perroquet qui aime a croquer le sucre dans le palais de la poésie et de l’éloquence, c’est Mir-Ali-chir-Nevâî, puissent les lumières divines sanctifier sa tombe! Dans les copies de ses compositions poétiques et autres, qui sont répandues parmi les beaux esprits de tous les pays et les grands maîtres de la parole, le système d’orthographe constamment suivi est celui-ci : toute lettre prononcée avec un fatah est suivie d’un elif ; toute lettre prononcée avec un damma est suivi d’un vav; toute lettre prononcée avec un kesra est suivi d’un ia. Ces lettres se prononcent quelquefois, mais dans la plupart des cas elles ne servent qu’à indiquer avec quelle voyelle doit être articulée la consonne qui les précède et n’ont pas de valeur a elles dans la prononciation.

Le dictionnaire débute ainsi :
[texte en caractères arabes]

Cette courte citation suffit pour faire voir que la rédaction du second Abouchka est plus abrégée que l’autre et qu’au besoin on y trouve des mots qui ne sont pas dans le premier, comme par exemple

Peut-être cet ouvrage est-il celui que M. de Véliaminof-Zernof mentionne page 25 de sa préface […]

La dernière source orientale que j’ai à mentionner est [publiée] à Calcutta en 1825. C’est un catalogue de mots sec et sans critique. Il est utile, mais il ne faut le consulter qu’avec précaution. Il donne souvent des explications qui sont à peine intelligibles, si l’on n’a pas un exemple qui en détermine le sens et la portée.

De tous les ouvrages publiés en Europe, celui qui m’a été le plus utile, quoiqu’il n’ait été mis à ma disposition que pendant la correction des épreuves, c’est le Cagataische Sprachstudien de M. Vambéry, publié à Leipzig en 1867. Ce livre renferme des textes très-intéressants et inédits à la suite desquels l’auteur a placé un dictionnaire rempli de bons renseignements tirés de sa chrestomathie elle-même ou de son expérience pratique. J’avoue tout de suite que j’ai mis à contribution ce dictionnaire, en insérant dans mon travail, autant que je le pouvais, les mots qui me manquaient, sauf ceux, en petit nombre, sur l’interprétation desquels M. Vambéry n’est pas d’accord avec les sources originales, ou bien qui ne sont que des expressions persanes vulgarisées. Quoi qu’il en soit, le Cataische Sprachstudien est un livre des plus instructifs et qui fait grand honneur à son auteur.

L’ouvrage de M. Zenker, Tûrkisch-arabisch-persisches Handtwörterbuch, est un travail consciencieux, tel qu’on devait l’attendre d’un homme aussi savant et aussi studieux. Malheureusement l’impression ne va pas vite, puisqu’elle a été commencée, à Leipzig, en 1862, et qu’à l’heure où j’écris le tout s’arrête à la page 518, au mot — . M. Zenker a admis dans son livre le turk oriental qui s’y trouve très-richement représenté. Quoique son plan, qui embrasse un cadre immense, ne lui permette pas de multiplier les exemples comme je le fais moi-même, il m’a plusieurs fois aidé à comprendre les explications énigmatiques du lexique de Fazl-ullah.

J’ai fait quelques emprunts, mais très-discrets, au recueil d’expressions tatares et arabes de M. Joseph Guiganoff, imprime à Saint-Pétersbourg en 1802. Ce livre est destiné avant tout à la langue vulgaire.

A la suite du catalogue des livres imprimes et manuscrits chinois et mandchous de la Bibliothèque royale de Berlin, on trouve un vocabulaire tiré d’un manuscrit de la Bibliothèque impériale de Paris et publié par Klaproth sous ce titre Uigurisches Wörterver zeichniss mit anderen Dialecten verglichen : je l’ai consulté avec fruit.

Si je m’étais borné à mettre a contribution les livres que je viens de citer, je n’aurais fait qu’une compilation plus on moins utile, mais qui n’aurait pas rempli. mon but. Ce qui m’a inspiré l’idée de composer cet ouvrage, c’est avant tout le désir d’éviter aux autres les difficultés que j’ai rencontrées la première fois que j’ai entrepris la lecture approfondie du Bâber-nâmeh. N’ayant pas alors à ma disposition le Khoulâceh-i-abbâci, qui d’ailleurs ne m’aurait pas suffi, j’ai été oblige de me créer peu à peu un vocabulaire qui allait s’élargissant,à mesure que j’avançais et que j’ai complété par l’étude du précieux Chedjereh-i-turki d’Aboul-Gâzi et du volumineux recueil des oeuvres de Nevâi. Les mots et les exemples que je recueillais ainsi ont été, comme le noyau de ce dictionnaire, où les citations ne sont pas épargnées. Je voudrais engager les jeunes orientalistes studieux à porter leur attention sur les mémoires de Bâber, cette mine inépuisable de renseignements de toute espèce, ce livre si original, si curieux, si différent des ennuyeuses et sèches compositions de tant d’écrivains arabes, offrant un échantillon unique de la vraie langue turke, de celle qu’on n’entend plus à Constantinople. J’oserais presque appeler les mémoires de Bâber les Commentaires de César de l’Orient. J’espère que la traduction française que je suis en train d’en préparer contribuera à faire connaître un ouvrage si instructif. Quant à Nevâï, sur lequel on peut consulter l’excellente notice de M. Belin, il a joui d’une immense popularité et Bâber va jusqu’à dire, page 3, que ses livres, quoique composés et publiés à Herat, sont écrits dans la langue même que tout le monde comprend à Endidjân.

Tout est bien changé aujourd’hui, au rapport de M. Vambéry, qui dit, page 31 de ses Cagataische sprachstudien, que ceux qui comprennent Nevâï appartiennent aux classes. élevées, zurfeingebildeten Classe gerechnet. Le livre d’Aboul-Gàzi, à part son intérêt historique, a cela de précieux, que la langue dans laquelle il est écrit a toute la rudesse sauvage d’un idiome que n’a point encore amolli la civilisation musulmane.

Toutes les fois que dans cet ouvrage on trouvera des citations en prose ou en vers, sans indication de source, c’est qu’elles appartiennent à l’Abouchka et sont puisées soit dans Nevâï, cinq fois sur six, soit dans les autres poètes cités plus haut, sans compter celles que j’ai ajoutées moi-même d’après Nevâï. B. indique le Bâber-nameh; A. G. Aboul-Gâzi; M. et L. le poëme de Medjnoun et Leïla, en turk de l’Azerbaïdjan, rédaction de Fuzouli, lithographié à Tebriz en 1247 (1831-1832) ; V. qui ne se rencontre pas aussi souvent que je l’aurais voulu, renvoie au grand recueil publié par M. de Véliaminof-Zernof, à Saint-Pétersbourg en 1864, et intitulé : Matériaux pour servir à l’histoire du Khanat de Crimée. Ce recueil très-intéressant m’est tombé trop tard entre les mains pour que je pusse insérer dans mon dictionnaire tous les exemples que j’en avais extraits. Il est à remarquer, toutefois, pour ne rien céler de la vérité, que ces exemples ne sont pas trop à regretter, attendu que tous, pour ainsi dire, avaient trait à des mots que le lecteur rattachera facilement à des racines connues, ou à des locutions provinciales qui sont plutôt du ressort de la langue vulgaire que de la langue littéraire et cultivée.
[…]
La lettre m. placée, après un mot veut dire mongol, a. arabe, p. persan. s. sanscrit, A. hindoustani.

J’ose espérer qu’on accueillera avec indulgence ce travail qui m’a coûté bien des recherches et qui pourra aider ceux qui viendront plus tard à faire mieux que moi. Je serai heureux s’il contribue à répondre un peu plus l’étude d’une langue si peu connue, quoiqu’elle ait une importance philologique si considérable. Cette vérité n’a pas échappé à la sagacité des savants orientalistes russes, aux excellentes publications desquels nous sommes redevables d’une bonne partie de ce que nous savons sur l’Asie centrale. Puissions, nous suivre leur exemple et ne pas laisser refroidir cette ardeur que la Société asiatique de Paris et les hommes éminents qui la dirigent encouragent de tous leurs efforts!

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(Tashriflar: umumiy 201, bugungi 1)

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